Comme nous le soulignions dans notre récent article du 2 octobre dernier, le nombre de contrats de crédits signés est en nette augmentation ces dernières années. Les professionnels du crédit constatent une recrudescence du nombre d’emprunteur mais également une croissance des montants empruntés. Cette situation a pour corollaire l’augmentation significative du nombre de défaut. Pour protéger le consommateur, le gouvernement belge a décidé de renforcer la législation. Solution effective ou palliatif démagogique ?
Le constat
Les défauts de paiement augmentent et touchent près de 5% des emprunteurs en Belgique.
Est-ce vraiment étonnant ? On peut en douter car, en amont, nous constatons depuis quelques années, une augmentation importante du nombre de contrat de crédit ainsi qu’une augmentation des montants empruntés.
À quoi cette situation est-elle due ?
Il y a plusieurs éléments qui entrent en ligne de compte :
- La tendance générale à vivre à crédit;
- Le besoin de consommer à tout prix;
- Une augmentation importante du coût de la vie depuis une dizaine d’année
- Une stagnation des salaires en comparaison à l’augmentation plus rapide du coût de la vie (ainsi en 20 ans, l’immobilier aura crû de 200%, alors que dans l’intervalle, les salaires n’ont augmenté que de 70%);
- Une explosion dramatique de la fiscalité implémentée par un gouvernement qui se révèle un comptable prodigue des effets publics.
Un modèle capitalistique de consommation
Le monde industriel n’a plus qu’une obsession : consommer. On l’entend à toutes les sauces, “la croissance est en panne”. Nous ne consommons pas assez. Les entreprises, les industries fonctionnent au ralenti car leurs carnets de commande affichent une triste mine (voyez l’industrie automobile en Europe). La balance du commerce extérieur n’est guère en meilleure forme : nous importons plus que nous exportons.
Enfin bref, il nous faut acheter pour faire fonctionner une économie dont les assisses ne reposent plus que sur ce substrat. Arrêtez la consommation et c’est la faillite du système.
Mais voilà, consommer bien entendu mais avec quel argent ?
Comment nos concitoyens peuvent-ils encore consommer dans les mêmes proportions que par le passé dès lors que la fiscalité a creusé un tel écart entre le coût de la vie et la croissance des revenus ?
L’Europe et ses états membres sont de grands schizophrènes qui à la fois vous parlent de croissance et qui dans le même élan, tuent la consommation par une répression fiscale qui n’a jamais atteint pareil paroxysme. C’est un secret de polichinelle ou alors un doux euphémisme que de souligner que l’Europe du nord est l’endroit au monde où les revenus du travail sont le plus spoliés.
Alors évidemment, les “consommateurs” n’ont plus que le recours au crédit s’ils veulent “à tout prix” soigner leur addiction à la consommation.
Mais à qui la faute ?
Aux professionnels du crédit qui seraient “de grands méchants loups peu scrupuleux qui abuseraient de la naïveté ou de la faiblesse d’un consommateur aux abois” ?
Les démagogues ont pris la place des politologues.
Un avant-projet de loi en préparation
Nos gouvenants n’ont que faire de ce genre de considérations et ils agissent au plus vite. Le gouvernement propose donc une série de mesure censées protéger les consommateurs. Cet avant-projet devrait considérablement renforcer les règles de l’octroi de crédits à la consommation.
Les mesures en préparation seraient les suivantes :
- Moins de publicité des institutions de crédit;
- Plus de recherches sur la solvabilité de l’employeur;
- Plus d’information à la disposition de l’emprunteur.
C’est essentiellement le crédit hypothécaire qui est visé. Le gouvernement s’attaque en particulier aux offres conjointes, qui permettent au client d’obtenir un meilleur taux à condition qu’il souscrive, en plus, à des produits accessoires, comme une assurance incendie.
Un mauvais projet
Pour les professionnels du crédit, ce projet est déplorable et ce pour les raisons suivantes :
- On peut déjà légitimement se demander si à notre époque, le consommateur doit être à ce point infantilisé au point qu’il ne se rende pas compte de la portée de ses actes. Dans une société où la codification des lois est devenue pyramidale et où notre responsabilité individuelle est davantage mise en cause, on peut mesurer l’hypocrisie de la démarche conceptuelle…
- Réduire la publicité est absolument une illusion: ce n’est pas la publicité pour le crédit qui est en cause mais…la publicité pour la consommation. Or, c’est précisément ce que recherche l’Etat qui clame à tout-va que “nous ne consommons pas assez”…;
- Plus de recherche sur la solvabilité ? Tout le monde sait que l’on ne peut “faire saigner un roc”. Les recherches sur la solvabilité sont bien évidemment déjà au cœur du processus des entreprises de crédit. Aucune banque ne prêterait sans avoir étudié scrupuleusement l’ensemble de ses garanties;
- Plus d’information pour les emprunteurs ? Que les consommateurs commencent déjà à lire les tonnes d’informations qui sont d’ores et déjà à leur disposition…et qui rendent l’information…illisible.
- Le crédit hypothécaire ? C’est probablement le type de crédit le plus protégé et le mieux garanti par la prise d’hypothèque. Les véritables difficultés sont essentiellement rencontrées dans les petits crédits à la consommation de personnes qui empruntent 5.000,00 € par exemple pour aller en vacances en famille…
D’autres conséquences
On peut réellement se demander quand notre gouvernement comprendra qu’à force de faire peser des mesures contraignantes sur l’industrie, il finira par entraver la création d’emploi et la perception même de recettes fiscales.
Par ailleurs, ces nouvelles mesures pourraient selon l’Union professionnelle du crédit (UPC) coûter près de 1000 emplois au secteur.
Ironie de l’histoire, c’est bien souvent en croyant aider les plus démunis qu’on les précarise davantage… car en réalité, le crédit peut souvent aider des gens qui traversent une période temporaire difficile et qui pourraient, en théorie, présenter une situation financière peu favorable à l’octroi d’un crédit mais qui à force de courage s’en sortiront.
Ceux-là demain pourront “aller se faire voir ” et il ne faut pas douter que les conséquences en terme de faillite, de chômage et de réduction des recettes publiques ne se feront pas attendre…